http://www.letemps.ch/Facet/print/Uuid/16329da4-603f-11e3-9509-7d405bb27b86/Ma_vie_pour_un_boson
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Le boson de Higgs en bande dessinée
Comment les particules acquièrent leur masse
En 1993, le ministre britannique des sciences, William Waldegrave, lance un défi: une bouteille de champagne à celui qui explique, sur une page A4, ce que sont le champ et le boson de Higgs. L’un des gagnants fut David Miller, du University College de Londres. Son scénario: lors d’une réception, les invités remplissent une salle uniformément, comme le champ de Higgs emplit tout l’espace.
Entre une célébrité – tel Einstein –, symbolisant une particule. Au fur et à mesure qu’elle avance, les gens s’agglutinent autour d’elle, avant de rejoindre leur poste d’origine. La célébrité acquiert en quelque sorte une masse plus grande.
De même, chaque particule acquiert sa masse propre lorsqu’elle se trouve dans le champ de Higgs et interagit avec lui. Considérons maintenant une rumeur que quelqu’un répand.
Les invités se rapprochent pour l’entendre et propager les ragots.
Comme l’information est portée par un amas de personnes, et comme c’est ce même phénomène d’agglutination qui a attribué sa masse supplémentaire à Einstein, la grappe de gens portant la rumeur représente elle aussi une certaine masse. Les physiciens imaginent le boson de Higgs comme une telle grappe dans le champ de Higgs: une particule virtuelle qui est le vecteur, comme la rumeur, de ce qui explique la masse.
Ma vie pour un boson
Le célèbre théoricien britannique Peter Higgs, père du fameux «boson de Higgs», reçoit mardi à Stockholm, avec son homologue belge François Englert, le Prix Nobel de physique, 49 ans après sa découverte qui a révolutionné l’histoire de notre compréhension de la matière et de l’Univers. Modeste et humble, l’homme de sciences de 84 ans vivant à Edimbourg a accordé au «Temps» l’une de ses très rares interviews (avec galerie photos)
Depuis son coin où l’aveugle ce soleil nordique de la mi-novembre, le buste en marbre de Lord Kelvin, qui a donné son nom à cette prestigieuse pièce de la Société royale d’Edimbourg, observe la scène. Tout comme, du haut de sa toile, un autre ténor de la science, James Clerk Maxwell, père de l’électromagnétisme. Une pile de lettres se dédouble sur l’immense table en bois noble et miroitant. Parmi celles-ci, imprimé, «un courriel de François Englert: il demande si vous seriez d’accord, Peter, de faire le discours au banquet des Nobel, le 10 décembre?» lance Alan Walker. Le professeur de physique à l’Université d’Edimbourg a été amené à contenir le tourbillon médiatico-populaire qui s’est abattu sur son acolyte physicien, Peter Higgs, «inventeur» de cette fameuse particule nommée «boson de Higgs». «Il a dû penser que ce serait mieux que ce soit moi parce que je suis anglophone», répond l’intéressé, sourire en coin. «Mais l’intervention devra durer deux minutes…» nargue Alan Walker; 120 secondes pour narrer l’une des aventures scientifiques les plus fantastiques et complexes de ces cinquante dernières années.
Avec son homologue belge François Englert, le célèbre théoricien britannique recevra donc mardi à Stockholm les plus estimables lauriers scientifiques. Depuis l’annonce des lauréats, le 8 octobre, le vieil homme de 84 ans est submergé de sollicitations. Des plus pompeuses, qui le nomment membre d’honneur ici ou là, aux plus insolentes, «tel ce physicien qui lui demande de relire son travail, l’améliorer, le faire publier, puis de le recommander pour le Prix Nobel!» cite Alan Walker. En passant par des idées sérieuses, avec ce projet de «Higgs Center» à Edimbourg; seule une petite aile duNational Museum est actuellement consacrée au modeste et discret savant.
Car les projecteurs, les journalistes et l’exubérance de la notoriété, Peter Higgs les fuit poliment depuis toujours. De son parcours de vie jalonné de crises d’asthme, il raconte avoir failli devenir ingénieur en électricité, comme son père employé à la BBC, avant de réaliser qu’il était maladroit de ses mains. Et de choisir alors la science théorique. Pourquoi la physique plutôt que la chimie ou les maths? Parce que, trouvant l’enseignement scolaire peu inspirant, il pouvait apprendre plus de choses par lui-même dans les livres de cette branche. Des lectures stimulées par le fait que l’un des élèves de son école, mais 25 ans plus tôt, était devenu une figure majeure de la physique: Paul Dirac.
Et le voilà lui aussi en peinture sur les murs de la «Kelvin Room», pour l’éternité. Ce qu’ont d’ailleurs semblé durer les cinq matinées durant lesquelles il a dû poser pour ce portrait, blague-t-il. Dehors, les cloches de midi lui rappellent qu’il doit déjeuner avec l’auteur de cette toile, l’artiste écossaise Victoria Crowe. Mais avant, deux heures durant, pour une de ses très rares interviews, Peter Higgs s’est confié pour la troisième fois au Temps .
Le Temps: Avez-vous récupéré de votre «nobelitis», cette maladie imaginée par le physicien Sheldon Glashow, caractérisée par des trépignements peu avant l’annonce des Prix Nobel chaque année, et dont vous avez dit être affecté?
Peter Higgs: (Rires) Oui, et cette année, elle a été particulièrement virulente depuis le mois de mars et la confirmation que la particule découverte à l’été 2012 était bien celle que l’on cherchait…
– Comment vous sentez-vous aujourd’hui, deux mois après l’annonce du Comité Nobel, et le tumulte qui a suivi?
– Je m’habitue à l’idée, et j’espère que dès janvier, ma vie redeviendra plus normale, avec moins de sollicitations – même si j’en doute.
– Comment avez-vous appris la nouvelle, puisque le Comité Nobel n’a pu vous atteindre pour vous l’annoncer lui-même?
– Ce 8 octobre dernier, j’étais allé dans la zone portuaire de Leith, pour diverses affaires, puis dans un pub où ils servent de bons repas et de l’excellente bière. Après le lunch, j’ai pensé qu’une foule de journalistes attendaient peut-être devant chez moi et qu’il était trop tôt pour rentrer. Je suis donc allé voir une exposition d’art. Au retour, tard dans ma rue, une voiture s’est arrêtée, une femme dans la septantaine en est sortie et, très excitée, m’a félicité, à mon étonnement. A ce moment précis, ma fille m’appelle pour m’annoncer la nouvelle. Chez moi, il ne restait qu’un photographe du Scotsman. Mais je lui ai dit que j’étais pressé: je voulais écouter les messages sur mon répondeur.
– En 2007, vous m’aviez dit que vous seriez triste si l’on ne découvrait pas cette particule qui porte votre nom. En avez-vous vraiment douté?
– Peu. J’ai souvent dit que si ce boson n’existait pas, cela signifierait que la structure théorique établie pour décrire la matière et le fonctionnement de l’Univers, le Modèle standard, qui semble pourtant bien fonctionner, serait un non-sens; le boson de Higgs est en effet la signature du mécanisme par lequel toutes les autres particules acquièrent leur masse propre. Imaginer le contraire de cette théorie était donc très difficile.
– Comment en êtes-vous venu à postuler cette particule?
– Après mes études au King’s College de Londres, arrivé à l’Université d’Edimbourg, j’étais un peu perdu dans mon cursus. Je me suis intéressé aux travaux des physiciens japonais Yoichiro Nambu et anglais Jeffrey Goldstone. Le premier travaillait sur les supraconducteurs [ces matériaux qui conduisent l’électricité sans résistance, ndlr]. Il a découvert alors les «brisures spontanées de symétrie»…
– … et remporté pour cela le Nobel en 2008. Pour expliquer ce concept, vous utilisez souvent l’image d’un bol en forme de sombrero mexicain, qui est d’ailleurs représenté avec vous sur la toile de votre portrait.
– L’idée est la suivante: si vous placez une bille au fond d’un bol normal, elle se retrouve alors dans son état d’énergie minimale, ne pouvant glisser plus bas. Faites alors tourner le bol: peu importe l’angle de rotation, l’ensemble reste symétrique par rapport à la position originelle du bol.
Prenez maintenant un bol avec un renflement au centre, comme un culot de bouteille. Placez la bille en équilibre au sommet de ce culot, elle n’est alors pas à son état d’énergie minimale puisqu’elle peut glisser sur le flanc du culot. Si vous tournez un peu le bol: certes rien ne change, comme ci-dessus. Par contre, si vous placez la bille dans son état d’énergie minimale, c’est-à-dire quelque part dans le canal circulaire créé par le culot central et la paroi du bol (elle ne peut glisser plus bas), et que vous tournez un peu ce «bol mexicain», la symétrie ne sera plus respectée par rapport à la position originelle du bol. Pourtant, sans la bille, le bol lui-même est symétrique.
Prenez maintenant un bol avec un renflement au centre, comme un culot de bouteille. Placez la bille en équilibre au sommet de ce culot, elle n’est alors pas à son état d’énergie minimale puisqu’elle peut glisser sur le flanc du culot. Si vous tournez un peu le bol: certes rien ne change, comme ci-dessus. Par contre, si vous placez la bille dans son état d’énergie minimale, c’est-à-dire quelque part dans le canal circulaire créé par le culot central et la paroi du bol (elle ne peut glisser plus bas), et que vous tournez un peu ce «bol mexicain», la symétrie ne sera plus respectée par rapport à la position originelle du bol. Pourtant, sans la bille, le bol lui-même est symétrique.
– On comprend qu’il y a, en quelque sorte, une conséquence sur la position de la bille impliquée par la forme du bol qui, lui, ne change pas. On parle alors d’un effet de «brisure de symétrie spontanée» dès qu’il y a une bille dans le bol.
– En quelque sorte. Et Nambu a postulé que le vide qui nous entoure [et correspond à l’état fondamental] serait, comme le bol mexicain, empreint d’une telle brisure de symétrie.
– Une idée très abstraite à saisir.
– De son côté, Goldstone travaillait sur la «théorie quantique des champs». [Celle-ci considère les particules subatomiques comme des émanations ou fluctuations quantiques d’un champ sous-jacent, un peu comme un flocon soulevé par le vent serait l’émanation d’un champ de neige.] Goldstone a alors publié un théorème crucial, qui dit en gros: si l’on considère une théorie quantique des champs de manière relativiste, sous certaines conditions, soit le vide est bel et bien symétrique, soit il ne l’est pas – la symétrie est brisée, comme l’affirme Nambu. Mais alors le vide devrait générer des particules sans masse et de «spin» 0 [une caractéristique décrivant les particules]! Or c’est là que le bât blesse: si de telles particules existaient, elles auraient dû être détectées facilement en quantité à ce jour. Mais ce n’a pas été le cas…
– Il y a donc là un paradoxe. Quel lien avec le boson de Higgs?
– J’étudiais aussi l’électrodynamique quantique [une théorie qui avait pour but de concilier l’électromagnétisme classique de Maxwell avec la mécanique quantique]. C’était la seule réelle théorie à succès à l’époque. C’est en me promenant dans le parc montagneux des Cairngorms, dans les Highlands, que, dans ma tête, j’ai combiné des éléments de ces deux théories. J’ai alors trouvé une voie de sortie pour le paradoxe du théorème de Goldstone. Cela m’a permis de postuler, à l’aide de ce concept de brisure de symétrie, ce qui allait devenir le «mécanisme de Brout-Englert-Higgs»: tout l’espace qui nous entoure est empli d’un champ quantique, appelé champ de Higgs, qui permet à chaque particule d’acquérir une masse lorsqu’elle interagit avec lui. Et comme dans la théorie quantique des champs, il devait émaner de ce champ une particule [le fameux boson]. Mais, selon mes calculs, celle-ci devait cette fois être massive. Pouvoir l’observer revenait donc à valider toute l’idée.
– De nombreuses métaphores ont été proposées pour expliquer ce mécanisme très complexe que – dit-on – seules quelques dizaines de scientifiques parviennent à décrire en détail. Une préférence?
– Une métaphore que je n’aime pas consiste à dire que la masse des particules est d’autant plus grande que celles-ci sont freinées dans le champ de Higgs à la manière d’une cuiller plus ou moins grosse qu’on traîne dans un pot de mélasse. Car cette description-là implique une dissipation d’énergie, ce qui n’est pas le cas dans le mécanisme de Brout-Englert-Higgs. Pour moi, l’explication la plus acceptable est celle d’une célébrité (symbolisant une particule) entrant dans une pièce remplie d’invités (imageant le champ de Higgs) qui l’accostent (voir ci-dessous): même si sa vitesse de marche n’est pas réduite, elle zigzague, si bien qu’elle ne traverse pas la pièce aussi vite que si elle était vide. Sa progression est d’autant plus freinée qu’elle interagit avec l’assistance. Tout comme une particule devient d’autant plus massive qu’elle interagit avec le champ de Higgs.
– Si c’est ce mécanisme, «matérialisé» par le «boson de Higgs», qui est censé donner leur masse aux autres particules, qu’est-ce qui donne sa masse… au boson de Higgs?
– Le mécanisme de Higgs, à travers la brisure spontanée de symétrie, n’est pas la seule manière de générer la masse, comme on omet souvent de le dire. C’en est plutôt le point de départ. Le 99,9% de la masse des particules non élémentaires comme les protons ou les neutrons vient de la force nucléaire forte, qui tient leurs constituants (les quarks) ensemble.
– Le boson de Higgs a été appelé «particule de Dieu» par un autre Prix Nobel de physique, Leon Lederman. Une expression que vous n’aimez pas. Mais au moins celle-ci a-t-elle attisé la curiosité vers ce domaine austère et ardu?
– Je ne suis pas croyant. Mais j’accepte que des gens peuvent sincèrement combiner leur foi avec une démarche de compréhension de la science. Ce qui m’inquiète, c’est que cette expression puisse créer de la confusion entre deux mondes intellectuels distincts: la physique et la théologie. Cela même si je reconnais que, par le passé, une partie des motivations pour expliquer les croyances religieuses étaient celles qui, aujourd’hui, sous-tendent l’exploration de questions fondamentales en science.
– Revenons à votre théorie, postulée en 1964: vous alliez contre les idées reçues. Etait-ce difficile?
– Je trouvais que les idées de Nambu et Goldstone méritaient d’être creusées, c’est pourquoi j’ai insisté. J’ai envoyé un article décrivant mon mécanisme à la revue Physics Letters, dont les responsables étaient au CERN. Or ceux-ci l’ont refusé; je me suis dit qu’ils ne m’avaient pas compris, et qu’ils devaient me prendre pour un plouc. Ils me demandaient de développer mes idées en me référant aux travaux de deux autres physiciens, à l’Université libre de Belgique, François Englert etRobert Brout [décédé en 2011], qui venaient de les publier. A l’époque, il y avait aussi un troisième groupe qui travaillait sur ce sujet, à l’Imperial College de Londres. Mais aucun de nous ne savait ce que faisaient vraiment les autres. C’est pourquoi, d’ailleurs, je n’ai rencontré François Englert qu’en juillet 2012, au CERN, lors de l’annonce de la découverte du boson. Finalement, j’ai soumis une version augmentée de mon article à la revue américaine Physical Review Letters, en ajoutant comme note, en deux lignes, l’existence possible d’une particule associée au champ de Higgs.
– C’est ce qui explique entre autres pourquoi votre nom est resté, plus que ceux de feu Brout et Englert, aussi «nobélisés». Cela dit, les gens du CERN se sont bien «rattrapés» en permettant la découverte du boson de Higgs…
– En 2012, la confirmation que les gens qui avaient construit l’accélérateur LHC et les détecteurs savaient ce qu’ils faisaient fut totale. Et aussi que la manière européenne de financer le projet – plusieurs pays assurant le budget du CERN – était gage de succès. A l’inverse de ce qui s’est passé aux Etats-Unis, avec l’interruption en 1993, à cause de problèmes budgétaires, du projet d’accélérateur géant SSC. L’été passé, l’annonce m’a tout de même surpris; je ne l’attendais pas aussi rapidement.
– Ce 4 juillet 2012, on évoquait «une particule ressemblant au boson de Higgs», car il restait des caractéristiques à préciser. L’affirmation plus définitive est venue en mars 2013. Pourtant, certains physiciens se sont dits déçus, voire déprimés, tant ils espéraient avoir découvert autre chose d’inattendu, qui ouvrirait la porte sur des champs d’exploration inédits. Les comprenez-vous?
– Cette réaction me semble curieuse. Et ce cas de figure aurait constitué un défi immense pour les théoriciens, car toutes les théories actuelles seraient tombées en ruine. En ce qui me concerne, je suis plutôt content (rires). Ce qui me déçoit un peu, c’est vrai, c’est que la découverte de ce boson ne s’accompagne d’aucune trace de piste permettant d’élaborer plus encore le Modèle standard, de fil à tirer pour réfléchir plus loin.
– Avec la masse du boson qu’on a trouvée (125 GeV, comme l’expriment les physiciens), d’aucuns affirment que l’Univers est instable, et qu’il pourrait théoriquement se désintégrer en un clin d’œil…
– Oh? C’est là une théorie nouvelle pour moi.
– Qu’attendez-vous de la relance du LHC en 2015, avec une énergie deux fois plus grande que jusque-là?
– Qu’on découvre peut-être d’autres bosons; la version la plus simple de la théorie de la supersymétrie, ou SUSY [qui prédit pour chaque particule l’existence d’une superparticule «miroir» beaucoup plus lourde] indique qu’il pourrait en exister cinq. Je suis fan de cette théorie. Mon enthousiasme est basé sur le fait que la SUSY pourrait englober la gravité. Car actuellement la gravité – dont chacun peut mesurer les effets – n’est pas incluse dans le Modèle standard, ce qui constitue tout de même un problème… De plus, le LHC, dès 2015, pourrait fournir des premiers indices concernant la composition de la matière sombre, cette entité dont la nature est inconnue mais qui emplit une partie de l’Univers.
– Et l’existence de dimensions additionnelles? D’univers parallèles?
– Je suis agnostique sur ce sujet.
– Vous évoquez entre les lignes cette «théorie du tout», qui engloberait toutes les lois physiques. Est-ce sensé d’espérer la trouver un jour?
– Cette idée est apparue dans les années 1960. Aujourd’hui, la théorie qui serait la plus à même de la concrétiser est celle dite des «supercordes» [dont l’idée de base est de modéliser les forces et particules de la nature comme les vibrations de minuscules cordes supersymétriques]. Est-ce là une étape nécessaire, ou suffisante? Je ne sais pas. Mais cela donne du grain à moudre aux théoriciens. Par contre, cette théorie contient aussi un hic: elle postule l’existence de beaucoup trop de solutions pour des types d’Univers très différents de celui dans lequel on vit. Au lieu d’en voir «sortir» simplement ce qu’on recherche: une manière d’unifier tout ce qu’on connaît dans l’Univers qu’on connaît.
– Einstein a dit que «le plus incompréhensible dans l’Univers, c’est qu’il soit compréhensible». Et Platon déjà affirmait que «le monde est compréhensible parce qu’il a une structure»; la découverte du boson de Higgs le prouve une nouvelle fois. Cependant, d’autres physiciens célèbres, de Lord Kelvin à Max Born, ont aussi dit, un peu vite, que, en leur temps, tout avait été découvert en physique. Comment expliquer cette façon de voir un peu bornée?
– Cela me rappelle la citation du physicien Philip W. Anderson: «Quand les gens parlent de théories du tout, ils ont une vue assez restrictive de ce que «tout» veut dire» (rires). Il reste énormément de choses à découvrir en physique, tant sont nombreuses les notions inconnues dont on ne soupçonne même pas encore l’existence.
– Les physiciens auront-ils toujours les moyens pour mener ces recherches fondamentales?
– Il y a certes des difficultés chez certains politiciens à reconnaître qu’il existe des liens évidents entre les sciences fondamentales, considérées comme peu importantes pour l’économie, et les technologies applicables. Or le nier découle d’une vision à très court terme.
– On parle déjà des accélérateurs du futur, dont certains seront linéaires, et non circulaires comme le LHC. Or, si ce dernier avait en point de mire la traque du boson de Higgs, les premiers devront être présentés aux décideurs comme des machines à arpenter l’inconnu. Vu leur énorme coût, la démarche ne sera pas évidente…
– La décision de se lancer dans la construction d’un nouvel accélérateur se précisera en fonction de ce que l’on découvrira avec le LHC à pleine énergie, dès 2015. Si l’on entrevoit des particules supersymétriques, l’intérêt sera attisé. D’aucuns disent qu’il faut des machines plus puissantes pour mieux étudier le boson. Les Chinois se disent prêts à construire une «usine à Higgs», un accélérateur circulaire de 100 km, sept fois plus puissant que le LHC. S’ils le font, cela réduira, sur les autres nations, la pression du choix quant au type de machine du futur, et les incitera peut-être à s’unir pour construire un accélérateur linéaire, probablement au Japon. Reste à savoir ce qu’il adviendra du CERN… Quoi qu’il en soit, je souhaite bon vent aux physiciens dans leur quête visant à saisir les infinis détails du monde qui nous entoure.
– Et à vous, que vous souhaiter?
– Well… de bien passer le Nouvel An (rires). Mais aussi de vivre dans un monde de plus en plus pacifié.
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